La bienveillance des uns s’arrête-t-elle aux enfants des autres?
La bienveillance est dans la bouche de tous les parents, mais bienveillance rime-t-elle avec indifférence envers les autres enfants ?
J’essaie d’éduquer mes enfants avec bienveillance, de les respecter en tant qu’individu, de les valoriser. Cependant, je pense qu’il faut poser des limites à ses propres enfants pour être bienveillant également envers les autres, et en tant que parent, sortir de l’indifférence quand un enfant autre que le nôtre est en détresse.
La bienveillance en dehors de son nombril
A force d’être concentré sur le bien-être de son propre enfant, je trouve que pour certains, la frontière entre bienveillance envers ses enfants et indifférence envers les autres est parfois mince. J’en vois déjà qui dégainent leur clavier … et pourtant, cette réflexion m’est venue de l’observation et de la constatation.
Je suis plutôt du genre à ne pas me mêler des affaires des autres, mais la détresse des enfants me touche particulièrement, même quand ce ne sont pas les miens…
Tranches de vie récentes…
Surtout ne pas voir : une mamie vient chercher ses petits-enfants; il y a beaucoup de monde à 16h30, les enfants jouent dans l’espace préservé qui jouxte le portail de l’école. Tout le monde prend son goûter, les mamans papotent, les enfants jouent. Et puis, on ne trouve plus le petit dernier, la mamie le cherche. Ayant un rendez-vous, je pars vers ma voiture avec Mlle P. et je vois le petit, caché derrière un mur. Une quinzaine de parents sont passés là avant moi, chacun connaissant – comme moi – de vue cet enfant puisqu’ils sont là, comme moi, comme la mamie, tous les jours à 16h30. Je l’ai pris par la main, l’ai un peu sermonné et l’ai reconduit à sa mamie, au bord du malaise. Et là, je me suis demandée ce qui pouvait passer par la tête des parents qui m’avaient précédée. Pourquoi aucun de ces parents, très attentifs à leurs enfants, lesquels sont parfois en classe avec ce même petit garçon, n’a-t-il jugé utile de demander à ce petit garçon de 4 ans ce qu’il faisait là, tout seul?
Surtout ne pas regarder l’autre : nous sommes nombreux assemblés pour un spectacle pour les enfants. Les enfants sont assis pour la plupart, sauf certains qui n’ont pas eu de place. Aucun adulte assis ne pense à proposer sa place à une maman ayant de sévères soucis de motricité.
Fermer ses oreilles : Je suis debout et j’attends, comme bon nombre de parents. Une petite fille erre en pleurs en appelant son papa, les parents sont concentrés sur leur téléphone. Je m’approche, je lui parle et la conduit vers des animateurs qui s’occupent de retrouver son papa, ça m’a pris 3 secondes. Et je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi parmi les parents qui étaient à côté de moi, qui avaient des enfants de cet âge, aucun n’a trouvé utile d’aller vers cette petite fille.
Détourner les yeux : Que se passe-t-il lorsqu’une jeune fille de 14 ans se fait “draguer” par un homme d’une trentaine d’années dans le bus? On pourrait imaginer que tous les adultes du bus – dont beaucoup sont parents – , nombreux à cette heure de pointe interviennent pour signaler au jeune homme son comportement inapproprié… En fait, non! Seule une jeune femme de 20 ans ose s’interposer et demander au jeune homme d’aller voir ailleurs. Les messieurs du bus sont devenus tout à coup très durs de la feuille, et les mamans qui sont là ont oublié que ça pourrait être elles-mêmes. Pour info cher jeune homme, chers messieurs, chères mamans, draguer une fille de 14 ans quand on est adulte, ça s’appelle avoir des penchants pédophiles ! et non, une gamine de 14 ans à qui un inconnu demande son 06 et propose de la raccompagner chez elle ne se sent pas flattée, et ne l’a pas cherché… Elle se sent simplement menacée et en reste pétrifiée.
Le laisser s’exprimer… au détriment des autres : je croise un enfant qui sort de l’école et qui trouve on ne peut plus normal de me donner un violent coup de pied dans le tibia. Sa mère m’explique qu’il a besoin de libérer son énergie et ne le gronde pas… Un autre sort de l’école et pousse violemment une petite fille, qui tombe, et en frappe un autre. La maman explique qu’il ne fait pas ça méchamment… Certes, mais les deux enfants victimes ont eu mal de la même façon. Dans les deux cas, j’en suis restée bouche bée, parce qu’autant je comprends que l’enfant ait besoin de s’exprimer, d’être frustré, autant j’estime que ce n’est pas bienveillant de laisser croire aux enfants qu’on peut tout faire sous prétexte que ça fait du bien. Ce n’est bienveillant ni envers l’enfant ni envers les autres.
Ne pas intervenir : Dans la rue, un groupe d’ados passe. Ils chahutent un peu, se bousculent, rien d’anormal. Je suis en voiture avec ma fille à l’arrière, je ralentis car ils sont sur la chaussée. Je les observe et remarque qu’en fait, ils ne chahutent pas ensemble, mais chahutent un garçon en particulier. Je ne sais pas trop comment agir. J’ai klaxonné, baissé ma vitre pour leur demander ce qu’ils faisaient. Le garçon avait l’air d’aller bien et de rire avec eux. Il m’a assuré que tout allait bien. Je suis repartie en les guettant dans mon rétro et en me demandant si j’avais vraiment fait ce qu’il fallait. Aurais-je dû faire plus? mais quoi? Entre temps, un passant a simplement changé de trottoir…
Témoin ne veut pas dire spectateur
C’est si facile de rester un témoin passif, en tant qu’adulte on le voit tous les jours. S’interroger sur sa propre conduite, montrer qu’on essaie de ne pas rester passif est aussi une forme d’éducation et de bienveillance. Cela ne pourra qu’inciter nos enfants à agir ou à faire appel à l’adulte s’ils sont témoins d’un événement anormal.
Je ne suis pas courageuse, j’évite de me mêler de bagarres ou de grosses disputes et parfois, je ne sais pas comment agir. Mais j’essaie de ne pas être passive parce que j’aimerais, j’aurais aimé, qu’un parent intervienne quand ado, j’ai été embêtée, ou quand une de mes filles l’a été.
A l’heure où on parle beaucoup de harcèlement (voir cet article sur Seule à la récré, la BD qui parle de harcèlement scolaire), ça me paraît important de montrer qu’on peut aller au-delà de l’indifférence.
Vous pouvez lire également cet article qui parle d’un beau livre sur le vivre ensemble et la différence.